Tessa Parzenczewski: De l'intime à l'étrange

Les écrits de Giovanni Buzi

Un roman, un recueil de nouvelles, quelques instantanés d’un voyage : la découverte d’un écrivain qui explore des registres divers, emprunte des chemins buissonniers, des bifurcations mais qui garde en toute circonstance, l’œil du peintre. Cela commence par « Agnese », retour dans la mémoire de l’enfance d’où émerge le visage radieux de la mère. Une Italie des années 60-70, à l’orée du boom économique, où les excursions, les piques-niques à la plage, les jeux dans la rue, évoquent un temps doucement disparu, si loin des frénésies actuelles. Dans une écriture vive, légère, teintée de la saveur du dialecte, Giovanni Buzi fait revivre tout un petit peuple de voisines aux bavardages persifleurs, d’enfants confrontés déjà à la cruauté des jeux de pouvoir, le tout dans une tonalité qui fait penser aux meilleures comédies italiennes de l’époque, non sans une once de mélancolie. Et c’est d’une façon lapidaire et pudique, qu’il fait allusion à la maladie de sa mère, aux prémices d’une tragédie qui mettra fin à l’insouciance de l’enfance. 


Tout autre est l’atmosphère de « Fluorescenze », une série de nouvelles sous le signe du fantastique, de l’énigme et de l’étrange, où le malaise est palpable. Métamorphoses maléfiques, dissolutions des corps,  objets qui s’évaporent, et où erre, comme une effrayante métaphore, la « belva », la bête féroce qui, peut-être, campe, à des degrés divers, en chacun de nous. Passant du lyrisme à la concision lapidaire, comme dans « Haiku », un récit parfait, fermé sur lui-même, Giovanni Buzi tisse avec maîtrise une trame serrée et haletante jusqu’à la chute finale.


D’un voyage en Tunisie, l’écrivain-peintre a ramené des brefs récits, comme autant de notations, esquisses, cadrages, où la couleur et la lumière jouent un rôle essentiel, faisant vivre paysages et objets, au gré de leur intensité. Mais l’humain aussi est présent, avec ses rites et ses mystères, sous l’œil interrogateur du narrateur. « Lumières géométriques », ou comment l’œil du peintre envahit l’écriture.

Tessa Parzenczewski
Mai 2010  (Extrait du catalogue "Eclats de vie")